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1 octobre 2011 6 01 /10 /octobre /2011 11:15
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1 octobre 2011 6 01 /10 /octobre /2011 11:12

Conférence du stage

 

Sujet : Devenir coupable quand on est innocent. Séance du 12 février 2005.

 

 

« Avec deux lignes de l’écriture d’un homme, on peut faire le procès du plus innocent ». C’est ce qu’aimait à répéter à ses amis le Cardinal de Richelieu.

 

On objectera certainement que la sentence est celle d’un cynique, d’un sectateur, d’un disciple de Machiavel et de BORGIA, et pour tout dire d’un ennemi des libertés.

 

 

On dira également très certainement que la sentence s’applique à un temps reculé, à un temps barbare où le despotisme régnait en maître, encouragé, si ce n’est absous, par sa justification ultime : la raison d’Etat.

 

 

La Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, n’a t-elle pas en effet proclamé urbi et orbi que « nul ne peut être accusé, arrêté ni détenu que dans les cas déterminés par la loi » ? Et cette même Déclaration n’a-t-elle pas figé dans le marbre son corollaire : la présomption d’innocence.

 

La chute de l’Ancien Régime, la chaude radiation des nouveaux principes devaient éviter toute tentation de retour en arrière. Nos députés des Lumières le savaient bien. De la naissance de la nouvelle société devait émerger l’Homme moderne, meilleur rempart contre la résurgence de toutes les formes d’obscurantisme, de la corruption du cœur et de la corruption des mœurs.

 

Le chef d’œuvre ne pouvant à l’évidence souffrir la moindre critique, il n’aurait pu qu’être impavide d’émettre le moindre soupçon sur la valeur des principes dégagés, ou tout au moins d’en discuter la portée.

 

C’est donc non sans quelque appréhension qu’il nous faille rapporter ici l’assertion d’un de nos contemporains, lequel laisse entendre, assez paradoxalement il est vrai, que l’on pourrait, je cite, « devenir coupable quand on est innocent ».

 

Il est toujours délicat de s’exprimer à la place d’un autre, de crainte de le paraphraser ou de déformer sa pensée.

 

Pourtant, sans omettre de rappeler que d’un pur point de vue juridique, le propos doit être tempéré par les principes rappelés, force est de constater que la formule ne manque néanmoins point de pertinence, tant au regard de l’ontologie que de la justice humaine.

 

La pratique, les actualités judiciaires nous offrent fréquemment, si ce n’est quotidiennement, des illustrations de la justesse de la remarque de notre auteur.

 

 

Vient évidemment et immédiatement à l’esprit l’impact du scandale suscité par l’affaire dite d’Outreau. A cette occasion, n’as-t-on pas vu des personnes parfaitement innocentes, et au final reconnues telles par le troisième pouvoir, jetées en pâture par une presse plus assoiffée de sensation que de véritable information, une presse excitée par une opinion, certes mal à l'aise, mais encore plus encline à trouver des bouc émissaires immédiats qu’à rechercher la vérité ?

 

Las, le cas n’est pas isolé ni même limité à la seule question pédophile. Combien d’individus, combien de personnalités impliquées malgré elles, souvent de longs mois, et parfois même de longues années, qui dans un tourbillon politique, qui dans un tourbillon financier, ne voient leur probité outrageusement calomniée par d’habiles spadassins des Lettres ou d’infâmes sycophantes jaunâtres ? Combien de carrières, combien de vies brisées pour, en définitive, une invisible brève dans un célèbre titre du soir, concluant à une relaxe ou à un non-lieu ?

 

 

Qu’importe, me dira-t-on. GOETHE a montré la voie : mieux vaut une injustice qu’un grand désordre. Et, pour dire vrai, les coupables, il vaut mieux les choisir que les chercher.

 

A travers ces exemples, le dicton de notre auteur pourrait acquérir toute la rigueur de l’aphorisme.

 

A n’en pas douter, l’actualité future risque d’appuyer sa thèse de toute son éloquence.

 

Et, l’expérience mûrement réfléchie dans nos professions nous dissuadera de penser le contraire.

 

Chacun aura bien, au moins une fois dans sa vie, eu le plaisir d’occuper (commis ou pas, c’est secondaire), pour un client affable, pour un client compréhensif et indulgent, qui en vérité aura eu la gentillesse de vous faire réécrire quinze fois les mêmes conclusions.

 

Et, quelle joie indicible lorsque, en reconnaissance spontanée de votre labeur, il vous aura adressé ce merveilleux et chaleureux message : « malfrat, vous m’avez trahi, je vous interdis de m’assister ; brigand je porte plainte contre vous et demande 20000€ de dommages et intérêts ». Et quelle joie encore, lorsque nonchalamment vous réceptionnez l’assignation ou la déclaration ou greffe ?

 

L’innocence étonnée ne peut vraiment s’imaginer qu’elle soit un jour soupçonnée.

 

Pourtant, dans cette mirifique situation, et bien à notre corps défendant, ne deviendrions-nous pas nous même coupables, même si de toute évidence nous étions innocents ?

 

Et, arrivé à ce stade, ne conviendrait-il pas à notre tour, de plaider coupable ?

 

Comme ORESTE, « mon innocence commence à me peser », pourrait-on dire.

 

 

 

 

KIRKEGAARD nous a en effet bien mis en garde : « L’individu, dans son angoisse non pas d’être coupable mais de passer pour l’être, devient coupable ».

 

Alors, tout comme l’accusé qui avoue pendant une instruction le crime qu’il n’a pas commis, ne perdrions pas nous nous même notre innocence dès les premières indignations de suspicion formulées ?

 

 

Il en va de l’innocence comme de la virginité, il ne sert à rien d’en souhaiter le retour, car la souhaiter, c’est déjà l’avoir perdue.

 

A cet égard, ceux qui pratiquent le droit de la famille doivent en savoir quelque chose. Et ceux-là, contesteront-ils que le conjoint, a priori innocent, n’est pas tout aussi coupable que l’auteur de l’adultère de ne pas avoir su retenir sa moitié ?

 

 

 

En vérité, pour en revenir à RICHELIEU, il en va de la manière de mener un Etat comme de la manière de diriger sa vie, d’accomplir son destin et d’assumer ses actes. De même que l’on ne peut régner innocemment, l’on ne peut agir inconséquemment.

 

Tout en n’étant jamais coupable de tout, on n’est jamais non plus innocent de rien.

 

Et, alors qu’il me fallait présenter le point de vue d’un auteur qui, pour éviter tout soupçon, a préféré l’anonymat, je plaiderai l’indulgence en invoquant Zadig : « il vaut mieux hasarder de sauver un coupable que de condamner un innocent ».

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1 octobre 2011 6 01 /10 /octobre /2011 11:09

Qu’est-ce que la Conférence du Jeune Barreau ?

 

Cette institution a succédé à la Conférence du stage depuis la réforme de la profession qui a vu en 2007 la disparition du stage. D’origine parisienne, elle a été adoptée par d’autres barreaux en Province. DIJON est l’un de ceux là. Un concours d’éloquence est organisé chaque année parmi les nouveaux arrivants au Barreau. Celui qui aura convaincu le jury, composé du Bâtonnier, du secrétaire de l’année précédente et de personnalités du monde judiciaire, devient secrétaire. A ce titre, il est invité à prononcer un discours lors de la rentrée solennelle de la Cour à laquelle sont conviés tous les représentants des sphères politiques, judiciaires et administratives. L’événement est mondain et est suivi traditionnellement d’un cocktail.

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29 septembre 2011 4 29 /09 /septembre /2011 22:19

Quel juge compétent pour statuer sur les suites de signalements hasardeux faits par l’administration hospitalière ?

 

 

 

A l’occasion de l’hospitalisation d’un enfant, il s’est avéré que des agents hospitaliers ont saisi le parquet afin de lui faire part de leur suspicion de mauvais traitements infligés par les parents.

 

Après le placement en garde à vue des parents et le placement en foyer de l’enfant, il s’est avéré cependant que le signalement reposait en réalité sur des faits inexacts.

 

Désireux de demander réparation des préjudices subis du fait du signalement, les parents décident de saisir un juge.

 

Quel juge saisir cependant ? Le juge administratif parce que les agents qui ont alerté le parquet sont intervenus dans le cadre de leurs fonctions d’agents hospitaliers ? Le juge judiciaire dans la mesure où le signalement participerait de la réalisation du service public de la Justice ?

 

La question n’est en vérité pas anodine. L’on sait que la mise en jeu de la responsabilité du Service public de la Justice est soumise à un régime de responsabilité pour faute lourde et qu’il est bien délicat d’apporter la preuve de cette faute lourde tandis que la mise en jeu de la responsabilité administrative est quant à celle soumise à un régime de responsabilité pour faute simple.

 

Au-delà de la question de la compétence, la détermination du juge qui officiera fixe le régime de responsabilité applicable.

 

L’hésitation était possible. Aussi jurisprudence et doctrine ont marqué des hésitations.

 

Dans un premier temps, il fut jugé que l’erreur des agents hospitaliers se rattachait à un dysfonctionnement de la Justice et que, même si elle mettait en évidence la participation de membres d’un Centre Hospitalier, la compétence de la juridiction judiciaire s’imposait (CAA LYON, 18 janvier 2005, n°02LY01374, Droit pénal, 3 mars 2005, comm. 51, « invisibles os de verre… », commentaire Albert MARON).

 

Cette jurisprudence a suscité des critiques en doctrine qui ont conduit des justiciables à faire trancher la question par le Tribunal des Conflits dans une décision qui semble condamner la solution de l’arrêt précité.

 

En voici les deux considérants clefs :

 

« Considérant que l'article 40 du code de procédure pénale dispose : « Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit, est tenu d'en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs. » ; que le médecin responsable du centre hospitalier et universitaire de Dijon a fait application de ces dispositions en signalant au procureur de la République des résultats d'analyses biologiques concluant à la présence de traces de produits toxiques chez l'enfant Salim A et laissant ainsi suspecter une grave toxicomanie de sa mère ; qu'à la suite de ce signalement, une décision du procureur de la République confirmée par le juge des enfants a retiré à Mme A son enfant et a placé celui-ci dans un foyer ; que le centre hospitalier ayant transmis de nouvelles analyses concluant à l'absence de tout produit toxique, l'autorité judiciaire a ordonné la mainlevée du placement de l'enfant ; que Mme A demande la condamnation du centre hospitalier à réparer le préjudice que lui a causé le placement de l'enfant et l'atteinte à sa réputation, procédant de la transmission à l'autorité judiciaire de résultats d'analyses médicales erronés ;

 

Considérant qu'il appartient à la juridiction administrative de connaître des demandes tendant à la mise en cause de la responsabilité des établissements publics hospitaliers à raison des dommages causés par leur activité médicale et des actes qui s'y rattachent ; que la transmission au procureur de la République des informations recueillies à l'occasion de cette activité, telle que prévue par l'article 40 du code de procédure pénale n'a pas par elle-même pour effet d'ouvrir une des procédures relevant du service public de la justice ; qu'ainsi la demande de Mme A ressortit à la compétence de la juridiction administrative à laquelle il appartiendra de se prononcer sur la responsabilité du centre hospitalier et universitaire de Dijon à raison des préjudices présentant un lien de causalité suffisant avec la transmission à l'autorité judiciaire d'informations médicales erronées ».

 

 

Dès lors, au regard de la position du Tribunal des Conflits, le juge administratif est compétent.

Avec sa compétence, c’est le régime de la responsabilité pour faute simple qui s’applique. Il s’agit à l’évidence d’une solution favorable au justiciable.

 

 

Gauthier NERAUD

 

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29 septembre 2011 4 29 /09 /septembre /2011 22:03

A quelques mois d’intervalle, la Commune de BEZIERS aura laissé son nom à deux arrêts essentiels en droit des Marchés. Après l’arrêt du 28 décembre 2009 (n°304802, publié au recueil LEBON p. 509) qui a posé que l’exigence de loyauté dans les relations contractuelles limitait la possibilité pour une partie à un contrat de solliciter l’annulation de celui-ci à raison d’une irrégularité commise lors de sa passation, le Conseil d’Etat est revenu sur les pouvoirs appartenant au juge contractuel en cas de différend relatif à l’exécution contrat.

 

Dans un arrêt rendu le 21 mars 2011 (n°304806), qui sera lui aussi publié au recueil LEBON, le Conseil d’Etat a ainsi estimé « qu'il incombe au juge du contrat, saisi par une partie d'un recours de plein contentieux contestant la validité d'une mesure de résiliation et tendant à la reprise des relations contractuelles, lorsqu'il constate que cette mesure est entachée de vices relatifs à sa régularité ou à son bien-fondé, de déterminer s'il y a lieu de faire droit, dans la mesure où elle n'est pas sans objet, à la demande de reprise des relations contractuelles, à compter d'une date qu'il fixe, ou de rejeter le recours, en jugeant que les vices constatés sont seulement susceptibles d'ouvrir, au profit du requérant, un droit à indemnité ; que, dans l'hypothèse où il fait droit à la demande de reprise des relations contractuelles, il peut décider, si des conclusions sont formulées en ce sens, que le requérant a droit à l'indemnisation du préjudice que lui a, le cas échéant, causé la résiliation, notamment du fait de la non-exécution du contrat entre la date de sa résiliation et la date fixée pour la reprise des relations contractuelles ».

 

Et la Haute juridiction d’ajouter « que, pour déterminer s'il y a lieu de faire droit à la demande de reprise des relations contractuelles, il incombe au juge du contrat d'apprécier, eu égard à la gravité des vices constatés et, le cas échéant, à celle des manquements du requérant à ses obligations contractuelles, ainsi qu'aux motifs de la résiliation, si une telle reprise n'est pas de nature à porter une atteinte excessive à l'intérêt général et, eu égard à la nature du contrat en cause, aux droits du titulaire d'un nouveau contrat dont la conclusion aurait été rendue nécessaire par la résiliation litigieuse ».

 

On savait que les pouvoirs du juge du contrat étaient étendus. On savait ainsi qu’il pouvait annuler un contrat, le résilier, refuser de l’annuler pour des considérations d’intérêt général, moduler les effets de l’annulation dans le temps, infliger des pénalités financières. Désormais, il peut aussi obliger les parties à rester liées et à poursuivre les relations contractuelles sous réserve certes de conditions liées à l’intérêt général et sous réserve d’une éventuelle indemnisation.

 

Cet arrêt, qui met au second plan le principe de la liberté contractuelle, risque de faire couler beaucoup d’encre.

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15 avril 2011 5 15 /04 /avril /2011 11:39

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